La vie à Mercy-le-Haut sous l'occupation allemande
La vie à Mercy-le-Haut
sous l’occupation allemande
Je n'ai trouvé que très peu de témoignages sur la vie à Mercy-le-Haut pendant l'occupation allemande. Voir ci-après.
Cependant, on peut se faire une idée assez précise de la vie quotidienne à Mercy, à partir des témoignages laissés par des habitants de communes voisines: Fillières, Landres, Xivry-Circourt, Labry (voir bibliographie):
> Fillières: la vie dans un village lorrain envahi et occupé, par l'Abbé A. Martin, Editions Berger-Levrault
> Xivry-Circourt: un village lorrain occupé, par Michel Canton,
> Landres, histoire d'un petit village du Pays-Haut, par Jean Costantini (www.mairielandres.fr)
> Labry 1914 - 1918: Entre front et frontière, par Eric Gangloff, Editions Serpenoise
L'administration allemande à Mercy-le-Haut
Marguerite Lebrun, revenant à Mercy-le-Haut en juillet 1919, rapporte dans son journal ce que sa tante Elise lui a dit.
Quelques pages plus loin, Marguerite Lebrun parle de son « atelier », qui est complètement dévasté. Il s’agit d’une pièce qui se trouve au rez de chaussée de la maison, et qui donne sur le jardin. Elle avait l’habitude d’y travailler. Détail important : la fenêtre de cette pièce est équipée de barreaux. Voici ce qu’elle écrit :
Les autorités allemandes limitent très sévèrement la circulation des civils en zone envahie. En fait, les habitants doivent rester dans leur commune, et ne peuvent en sortir qu’avec une autorisation.
Afin de bien contrôler l’interdiction de circuler, les autorités allemandes donnent à chaque habitant de plus de 10 ans un « Aufenthaltschein » (carte de séjour), sur lequel figure le nom de la personne et l'adresse du domicile.
Carte de séjour d’une habitante de Mercy-le-Haut
Le verso de la carte de séjour rappelle aux habitants les règles qu'ils doivent observer sous peine de sanction:
Le travail des civils restés au village
Comme dans tous les villages des régions envahies, les habitants de Mercy-le-Haut et Boudrezy doivent travailler pour les autorités allemandes. Les terres font l’objet d’une exploitation collective. Les femmes, qui constituent la majeure partie de la population restée au village, effectuent des travaux agricoles sous la surveillance de soldats allemands. La production agricole est en très grande partie réquisitionnée pour l’armée allemande. Ce qui est laissé à la population est très insuffisant. Heureusement, l’organisation américaine « Relief for Belgium » a organisé des distributions de vivres qui ont sauvé les populations des territoires envahis de la famine, puisque ces distributions ont représentés jusque 50% des vivres consommés par la population.
La presse internationale a critiqué le gouvernement allemand pour le mauvais traitement des populations des régions envahies. En réponse, la propagande allemande a réalisé dans de nombreux villages des photos de groupe, où l’on voit des femmes travailler aux champs ou dans les usines, apparemment dans de bonnes conditions. Le message est double :
- La population civile n’est pas malheureuse, le travail se fait avec le sourire …
- Les autorités allemandes s’occupent efficacement de maintenir la production agricole
Femmes de Boudrezy travaillant aux champs, avec leurs surveillants allemands
Batteuse en action à Mercy-le-Haut, sous la surveillance de soldats allemands
L'école de la commune
Au début des années 1900, la commune comptait 2 école: une école à Mercy-le-Haut, et une école à Boudrezy. A Mercy-le-Haut, l'instituteur était Athanase HANRY. Il était en poste depuis 1892, et le restera jusque 1919. A Boudrezy, c'est Mademoiselle GAGNEUR qui était en charge de l'école. Elle était encore en poste en 1925.
Pendant toute la durée de la guerre, les 2 instituteurs ont assuré leur tâche.
Les 2 instituteurs travaillent dans des conditions difficiles : ils manquent de matériel, les salles sont très peu chauffées en hiver, et les enfants sont très souvent absents : ils doivent participer aux travaux des champs, et faire de nombreux petits travaux, pour remplacer autant que possible leur père parti au front : en 14-18, chercher de l’herbe pour nourrir les lapins, c’est plus important qu’une leçon de géographie ou de calcul !
Mlle GAGNEUR, institutrice à Boudrezy pendant la guerre de 1914-1918.
(photo prise en 1925)
L'école de Mercy-le-Haut en 1914-1918
On reconnait au premier rang le jeune René Degré, (voir la flèche), fils du facteur-receveur Julien Degré.
On ne connait pas le nom des autres enfants. Toute information permettant de les identifier serait la bienvenue !
(Source: documentation privée de la famille Degré. Tous droits réservés)
Les prisonniers civils
Les Allemands ont déportés en Allemagne de nombreux habitants des régions envahies. Il s’agissait d’emmener des personnes aptes à travailler dans des camps de travail. Dans certains cas, les déportés étaient considérés comme des otages.
A Mercy-le-Haut, on connait le cas d’un prisonnier civil mort en Allemagne : il s’agit de Auguste ADAM, mort en déportation le 19 février 1917, à l'âge de 22 ans, dans le camp de Gross Poritsch nach Zittau. On ne sait pas quand Auguste ADAM a été emmené en Allemagne. (Voir chapitre Victimes civiles).
En fin 1915, 3 habitants de Mercy-le-Haut ont été emprisonnés à la Kommandantur de Pierrepont, dont dépendant Mercy-le-Haut (Source: le Bulletin de Meurthe-et-Moselle n°66 du 28 décembre 1915). Il s’agit d’hommes relativement âgés :
Emile EVRARD, de Boudrezy, âgé de 61 ans
Jean-Baptiste NOIRJEAN, de Mercy-le-Haut, âgé de 58 ans
Paul RODICQ, de Mercy-le-Haut, âgé de 47 ans
Source : bulletin n°66 de Meurthe et Moselle, daté 28 décembre 1915
Le Bulletin ne mentionne pas le motif de la détention, ni la durée. Mais, exactement à la même époque, on sait que trois habitants de Landres et trois habitants d’Anderny ont été emmenés comme otages, pour garantir la sécurité de la voie ferrée : les Allemands préparaient leur offensive sur Verdun et voulaient sécuriser les voies de communication avec le front.
Selon toute vraisemblance, c’est pour le même motif qu’Emile EVRARD, JB NOIRJEAN, et Paul RODICQ ont été retenus comme otage.
Les délibérations du conseil municipal
Le conseil municipal a continué à se réunir pendant l'occupation allemande. Plusieurs de ses membres étaient mobilisés, dont le maire, Gabriel Lebrun. Dans plusieurs documents de cette période, on voit apparaître le nom de Gustave Collignon, cultivateur à Boudrezy, adjoint au maire, et Léon Dehan de Mercy-le-Haut. Gustave Collignon semble avoir assuré les fonctions de maire, jusqu'au retour de Gabriel Lebrun en novembre 1918.
Le conseil municipal devait se battre contre les exigences allemandes, et intervenir auprès des organismes chargés du ravitaillement.
Monsieur Vautrin, instituteur à Mercy-le-Haut de 1926 à 1938, a rédigé une histoire de Mercy-le-Haut (document privé). Il décrit ainsi les délibérations du conseil municipal pendant l'occupation allemande:
Début de citation
- recettes = 228,95 francs
- dépenses = 32.123,95 francs
Les avis de décès ou de disparition des soldats de Mercy-le-Haut combattant sur le front
Le conseil municipal avait une lourde tâche: il devait annoncer aux familles la disparition ou le décès des soldats qui combattaient sur le front.
Cette nouvelle était transmise par l'état-major du régiment au maire de la commune où le soldat était domicilié au moment de la mobilisation. On ignore comment le courrier arrivait dans les communes des régions envahies en provenance de la France libre: la ligne de front constituait une barrière infranchissable depuis la mer du Nord jusqu'à la frontière suisse. Très probablement, la transmission de ces courriers se faisait par l'intermédiaire d'un pays neutre: probablement, il s'agit de la Suisse, qui, depuis fin 1914, assurait en accord avec les autorités allemandes et françaises le rapatriement des civils qui quittaient les régions envahies et rejoignaient la France libre.
Concernant Mercy-le-Haut et Boudrezy, on ignore qui se chargeait d'annoncer aux familles cette terrible nouvelle. En l'absence du maire Gabriel LEBRUN, mobilisé, on suppose que la tâche incombait aux 2 adjoints, Léon DEHAN, pour Mercy-le-Haut, et Auguste COLLIGNON, pour Boudrezy,
Nous n'avons pas retrouvé des avis de décès ou de disparition concernant la commune de Mercy-le-Haut. A titre d'exemple, on présente ci-dessous 2 avis concernant des habitants de Fillières:
Avis de décès de Michel ARNOULD envoyé au maire de Fillières
Avis de disparition de Victor HOBERTY envoyé au maire de Fillières
Ces avis de disparition laissaient un espoir à la famille: le disparu était peut-être blessé et recueilli dans un hôpital allemand, ou bien était-il prisonnier de guerre ? Malheureusement, bien souvent, le disparu était décédé, mais son corps n'était pas retrouvé dans les mois qui suivaient sa disparition. Les familles restaient dans l'angoisse, jusque la fin de la guerre.
C'est le cas de Victor HOBERTY: son décès a été confirmé par le tribunal de Briey en janvier 1921.
Le décès de Victor HOBERTY est confirmé par le tribunal de Briey (fiche Mémoires des Hommes)
Témoignage: visite de l'abbé Martin à Mercy-le-Haut le 28 janvier 1915
Le 28 janvier 1915, l'abbé Martin, de Fillières, reçoit l'autorisation de se rendre à Mercy-le-Haut pour rendre visite au curé. Dans son livre, il raconte cette visite. Son récit est un bon témoignage de l'aspect de Mercy-le-Haut et des environs en janvier 1915.
Extraits du livre de l’abbé Martin (Fillières), pages 109, 110 et 111
Abbé MARTIN, curé de Mercy-le-Haut, décédé en 1917
(ne pas confondre avec l'abbé Martin de Fillières)
Soldats allemands devant l'église de Mercy-le-Haut. Le clocher de l'église a été atteint par les tirs d'artillerie.
Le mur de la maison à droite est en partie écroulé. En 1914-1918, cette maison était la poste.
Souvenirs de Marcel Degré (14 ans en 1914) sur la guerre de 1914-1918
En 1914, Julien Degré, facteur-receveur à Mercy-le-Haut, et sa femme Marie Laurence (appelée aussi Maria), née Adam, habitent la maison qui se trouve à droite de l’église de Mercy-le-Haut. A cette époque, cette maison servait de bureau de poste.
Julien et Marie Laurence ont 2 enfants : Marcel, né en 1900, et René, né en 1912.
Le 2 août 1914, Julien est mobilisé. Sa femme reste seule avec ses 2 enfants âgés de 14 et 2 ans. C’est elle qui reprend la place de son mari après son départ pour l’armée.
Le 22 août 1914, au cours de la bataille de Mercy-le-Haut, la maison est atteinte par des tirs d’artillerie : au moins 2 obus, et des traces de balles de shrapnell. La façade sur la rue principale est sérieusement endommagée. Heureusement, Marie Laurence Degré et ses 2 enfants ne sont pas blessés : ils se tenaient probablement dans le logement, situé à l’arrière de la maison.
Vue du bureau de poste en 1914-1918.
En 1914, le bureau de poste était installé dans la maison qui se trouve à droite de l'église. Cette maison a été endommagé au cours des combats du 22 août 1914, et n'a pas été réparée pendant toute la durée de la guerre. On reconnait sur la photo plusieurs membre de la famille du facteur-receveur Julien Degré: son épouse Marie Laurence au 2ème rang, son jeune fils René au 1er rang (donnant la main à 2 enfants), son fils aîné Marcel, le jeune homme à la casquette du dernier rang. Julien Degré avait été mobilisé en août 1914 et ne reviendra à Mercy-le-Haut qu'après l'armistice du 11 novembre 1918.
(Source: documentation privée de la famille Degré. Tous droits réservés)
Marie Laurence Degré (née Adam), Marcel et René en 1917 ou 1918
(Source : documentation privée de la famille Degré)
Marcel a gardé des souvenirs de la période de la guerre. Il les a racontés à son fils Michel (le petit-fils de Julien et Marie Laurence), qui a bien voulu les communiquer. Voici ces souvenirs :
Début de citation
Grand-mère (Marie Laurence Degré) et ses garçons sont demeurés au village jusqu'à la fin de la guerre. Ils étaient bloqués, séquestrés par l'occupant.
Ce village et ceux d'alentours, servait de lieux de repos pour la troupe allemande jusqu'au retour des soldats au front .Mon père (Marcel Degré) a connu les pleurs et lamentations des soldats, terrorisé par l'appel d'un retour à Verdun .Il a connu une manifestation des soldats protestant de leur pauvre et triste nourriture. Ils ont défilé en brandissant un hareng séché accroché à un bâton.
Notre famille a souffert de la faim.
Les occupant se sont accaparé les moyens de productions et les ressources .Ils laissaient des rations biens maigres aux habitants.
La population était réquisitionnée pour le travail des champs. Mon père aussi, âgé de14 ans.
Marcel s'efforçait de récupérer quelques produits à l'insu des gardes, dans une doublure ou un petit sac caché en terre jusqu'à la nuit et repris malgré de nombreux risques .Le couvre feux s'appliquait.
Peu d'école. Je sais qu'un jeune homme consacrait du temps à Marcel pour lui enseigner des compléments, peut être aussi à René.
J'ai su que Grand-mère torréfiait un peu d'orge, pour préparer une sorte de café .Un ami arrivait à faire un peu d'huile de colza avec un moulin bricolé.
L'isolement fut difficile psychologiquement, il a induit timidité, réserve, et sentiment d'ignorance; des complexes qu'il a fallu combattre.
Je ne sais rien de notre grand père, où était-il ?
On entendait le bruit continu de la bataille de Verdun, certains soirs des garçons allaient au bout du village pour regarder les lueurs et le "feu d'artifice "sur Verdun.
Fin de citation
Julien Degré restera séparé de sa famille pendant toute la durée de la guerre.
Dans le bulletin de Meurthe-et-Moselle, n°22, du 23 avril 1915, il lance un avis de recherche de sa femme et de ses 2 enfants. Comme beaucoup d’autres Lorrains mobilisés en août 1914, il est resté sans nouvelles de sa famille restée dans les régions envahies. Il se demande si sa femme et ses enfants auraient pu faire partie des convois de rapatriés que les Allemands renvoyaient en France en passant par la Suisse.
Vers la fin de la guerre, l’administration française établit pour chaque commune occupée la liste des personnes à rapatrier en priorité dès la fin des hostilités, afin de remettre rapidement en route les services publics. On y retrouve le nom de Julien Degré. Julien Degré revient à Mercy-le-Haut peu après l’armistice du 11 novembre 1918 (date exacte inconnue).
Julien Degré, facteur-receveur, vers 1920
(Source: documentation privée de la famille Degré)
Administration française
(Source: archives départementales de Meurthe-et-Moselle)
Souvenirs de Lydie Mandy sur la guerre de 1914-1918
Après le décès de son père Ernest en 1906, Albert Lebrun, député, avait fait construire une maison près de l'église. Il laissait ainsi la ferme familiale à son frère Gabriel, qui en poursuivait l'exploitation. En 1912, après le décès de Anne Marie Lebrun (née Navel), la mère de Albert et Gabriel, leur tante Elisabeth est venue habiter dans la maison d'Albert. Elisabeth Navel, célibataire, était connue dans la famille sous le nom de « Tante Elise ». Elle était réputée pour avoir une forte personnalité.
En 1914, Tante Elise avait 65 ans. Elle était aidée dans les travaux ménagers par Lydie Mandy, une jeune fille de Mercy-le-Haut, qui habitait avec elle.
Tante Elise (Elisabeth Navel) dans le jardin de la maison d'Albert Lebrun en 1916
Très peu de temps après la bataille du 22 août 1914, et pendant toute la durée de la guerre, la maison d’Albert Lebrun a été réquisitionnée par l’armée allemande pour y loger des officiers.
Mercy-le-Haut se trouvait sur une des routes utilisées par l’armée allemande pour approvisionner le front de Verdun. De plus, le village avait subi assez peu de destructions au cours des combats du 22 août 1914: il restait encore de nombreuses maisons habitables. La maison d'Albert Lebrun était l'une d'entre elles.
Quand la maison a été réquisitionnée, l’officier allemand a dit à Tante Elise qu’il lui laissait une chambre pour elle et sa domestique. Tante Elise a protesté, réclamant 2 chambres : une pour elle, et une pour Lydie. L’officier lui a répondu qu’elle pouvait bien dormir avec sa domestique. Tante Elise lui a demandé s’il dormait avec son ordonnance. L’officier n’a pas insisté. Il a laissé 2 chambres pour Tante Elise et Lydie.
En fait, Tante Elise et Lydie avaient très peur. Tous les soirs, chacune rentrait ostensiblement dans sa chambre, puis, quand la maison était calme, Lydie venait rejoindre Tante Elise et dormait avec elle.
Souvent, les officiers allemands disaient qu’ils avaient pris Verdun. Tante Elise répondait : « Quand vous me rapporterez des dragées de Verdun, je vous croirai ».
Un jour, Tante Elise a vu des ordonnances en train de cuire des oignons. Curieusement, il n’y avait aucune odeur. Elle a regardé dans le buffet de la cuisine, et elle a compris : les ordonnances avaient pris les oignons de fleurs qu’elle avait rangés sur la planche du haut.
Les Allemands ne se gênaient pas pour prendre dans la maison les objets qui leur plaisaient. Tantes Elise et Lydie essayaient de cacher le maximum d’objets. Elles avaient trouvé comme cachette un petit espace au grenier, côté jardin, coincé entre le mur et la toiture : cet espace – qui existe toujours - forme un petit tunnel d’environ 3 m de long et de 50 cm de haut. Un jour où tous les officiers allemands étaient sortis, elles sont montées pour cacher des cuivres dans ce petit tunnel. Brusquement, un officier allemand, qui était revenu et entendait du bruit, est monté au grenier. Il les a surprises, avec Lydie à moitié enfoncée dans la cachette. Il leur a demandé ce qu’elles faisaient. Tante Elise a répondu : « Nous avons entendu des souris, nous installons des pièges ».
En général, Tante Elise et Lydie pouvaient utiliser la cuisine pour préparer leurs repas. Mais pendant quelques mois, la maison a été sous les ordres d’un officier particulièrement agressif et désagréable. Il a obligé Tante Elise et Lydie à préparer et prendre leurs repas à la cave.
A ce propos, le comportement des soldats dépendait très nettement de celui des officiers. Quand les officiers avaient un comportement correct, tout se passait bien. Par contre, si les officiers étaient agressifs et brutaux, la troupe suivait l’exemple.
Un jour, le Kronprinz (prince héritier, fils du Kaiser Guillaume II) est passé par Mercy-le-Haut. Il est monté sur le perron à cheval, et a traversé le couloir jusqu’au jardin sans descendre de son cheval. Il a passé la nuit dans la maison.
Pendant quelques semaines, un aviateur allemand a logé dans la maison. Il a dit à Tante Elise que son avion n’était pas bon, et qu’il ne survivrait pas à la guerre. Il a été descendu quelques semaines après son passage à Mercy. Il s'agit probablement de Eugen Förtig, qui s'est tué en janvier 1918 suite à une avarie de son avion (voir le chapitre "la guerre aérienne à Mercy-le-Haut"). Peut-être Eugen Förtig est-il présent sur la photo suivante, où l'on voit des soldats allemands poser devant la maison d'Albert Lebrun ?
Maison d"Albert Lebrun en janvier 1918.
Les soldats sont très probablement les occupants de la maison. Celui qui se tient à droite est un pilote (voir le chapitre sur la guerre aérienne).
On aperçoit Tante Elise à la fenêtre du rez-de-chaussée.
Carnets d’un lieutenant du 3ème régiment d’infanterie allemand (IR3). Ce régiment, qui se bat à Verdun, est au repos à Mercy-le-Haut du 8 au 13 mai 1916.
(Extraits)
Traduction
Le 8 mai (1916) au matin, à 8h, le bataillon se rassemble à la sortie Est de Billy. A 8h10, le bataillon se met en marche, musique en tête, en direction de Mercy-le-Haut pour prendre ses quartiers de repos. KNOCH et moi, nous sommes enchantés, car ce village se trouve dans une charmante région, à proximité de Fillières. J’envoie mon sergent-chef à cheval en avant du bataillon, afin qu’il organise les quartiers. Avec mes deux chevaux, je suis très heureux, ce sont des animaux fougueux et bien soignés. Dans l’après-midi, nous arrivons à Mercy-le-Haut, un joli village, pratiquement pas abîmé par les combats.
Dans ce joli nid, dans lequel le bataillon, grâce à une discipline ferme, est resté jusqu’au 13 mai en très bonne harmonie avec les habitants, nous passons de belles heures. Seul, le grondement incessant de l’artillerie devant Verdun rappelle la guerre. Les officiers et les hommes se reposent avec un service très réduit. Chaque jour a lieu un exercice de lancer de grenades à main, dans lequel nous acquerrons tous une bonne compétence. L’après-midi, par très beau temps, je fais des promenades à cheval jusqu’à Joppécourt, où le régiment de territoriaux souabes fait de la bière, ou vers Fillières ou le Moulin aux Bois. Le 9 mai, le père Trickel célébra le service religieux. C'est lui qui, avec beaucoup de cran, avait pris soin de nos pauvres blessés dans les premières lignes du bois de Caillette.
Le 10 mai, le général commandant le Vème corps d'armée passa en revue notre bataillon. Notre cher GRUNWALD se rendit deux fois à Thionville pour ses "petites affaires". Il était doué d'un sens de l'humour incomparable. Le 1er mai, lors de la terrible attaque française dans le bois de Caillette, ce fut le seul survivant des 4 officiers de la 12ème Compagnie (du 3ème Régiment d'Infanterie).
Quelques photos de soldats allemands à Mercy-le-Haut et dans les environs
Enterrement à Mercy-le-Haut pendant la guerre
Procession sur la route du cimetière. La date de cette cérémonie n'est pas connue.
Mercy-le-Haut: la maison Peccavy occupée par des soldats allemands.
Photo datée du 31 octobre 1918 (11 jours avant l'armistice !)
Source: archives de la famille Peccavy
Soldats allemands à Mercy-le-Haut
La maison Dagot à Mercy-le-Haut
La maison a été touchée par des tirs d'artillerie pendant la bataille du 22 août 1914
Boudrezy: la maison Legrosdidier occupée par des soldats allemands
Soldats allemands au repos.
La photo est prise au bord de la vallée de la Crusnes, à proximité du moulin de Bernawé. La route qui monte sur l'autre versant de la vallée semble être la D27 qui conduit à Fillières. A droite, la route en provenance de Joppécourt.
Convoi allemand à Mercy-le-Bas
Cavalier allemand sur la Crusnes à Mercy-le-Bas
Convoi allemand à l'arrêt à Mercy-le-Haut pour le déjeuner.
Cette photo, prise au cours de l'été 1915, est parue dans une revue allemande pour la jeunesse: "der gute Kamerad", numéro 29. Cette photo semble prise sur la route de Morfontaine (D952), 300 m à gauche après la sortie de Mercy-le-Haut.
La réquisition des cloches de Mercy-le-Haut et Boudrezy
Pendant la guerre, les Allemands manquaient de matières premières, en raison du blocus imposé par les marines alliées. En particulier, ils manquaient de métaux non ferreux dont ils faisaient une très grande consommation pour la fabrication d’armes et de munitions.
En 1917, Ils ont organisé l’enlèvement des cloches de toutes les églises de la région. Les cloches sont fabriquées en bronze, alliage de cuivre et d’étain, deux métaux particulièrement recherchés. Une cloche de village pesait 300 à 600 kg, et chaque clocher comptait 2 ou 3 cloches.
L’enlèvement des cloches ne s’est pas limité aux seules régions occupées. Elles ont eu lieu également en Allemagne, notamment dans la Sarre, au cours du 1er semestre 1917. Seule différence : sur 3 cloches, 2 étaient enlevées, la 3ème était laissée en place.
Les cloches de Mercy-le-Haut ont été enlevées le 5 janvier 1917. Les Allemands les ont fait tomber du haut du clocher sur le parvis de l’église.
On voit sur la photo ci-dessous le clocher de l’église, avec des madriers qui sortent du clocher côté parvis. Vraisemblablement, il s’agit des madriers qui auraient servi à l’enlèvement des cloches.
Eglise de Mercy-le-Haut
Photo prise probablement vers 1918 ou 1919, avant la réparation du clocher.
Les madriers visibles en haut du clocher, côté rue, ont probablement servi à enlever les cloches.
Source : site www.delcampe.net
Très organisés, les Allemands ont signé et remis un bon de réception (Empfangschein). Ils ont fait contresigner ce bon par Léon Dehan, un habitant du village, très membre du conseil municipal, et censé représenter la commune.
Bon de réception des 3 cloches de Mercy-le-Haut
Source : Archives départementales de Meurthe-et-Moselle
On notera sur le bon que les 3 cloches pesaient 1800 kg, soit environ 600 kg par cloche.
A Boudrezy, le clocher possédait 2 cloches. L’enlèvement des 2 cloches a eu lieu le 15 janvier 1917. Les Allemands ont fait signer le bon de réception par Auguste Collignon, adjoint au maire, cultivateur à Boudrezy.
Bon de réception des 2 cloches de Boudrezy
Source : Archives départementales de Meurthe-et-Moselle
140809
Fanfare militaire allemande à Preutin
Les Allemands organisent des fanfares dans les villages. Selon des informations non confirmées, la photo ci-dessous représente une fanfare à Preutin, en 1914 (La photo semble être prise dans l'actuelle rue Albert Lebrun, à droite en sortant du village vers Higny).
Fanfare allemande à Preutin en 1914 (?)
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