Mercy-le-Haut 1914-1918

Mercy-le-Haut 1914-1918

La bataille de Mercy-le-Haut: les témoignages des civils

La bataille de Mercy-le-Haut: les témoignages des civils:

Journées des 21, 22, et 23 août 1914

 

On possède 2 témoignages exceptionnels sur les événements du 22 août 1914 au soir, à Mercy-le-Haut, vécus par des civils.

 

La fille de Mme Ruer, maison L’Huillier, Mercy

 

Source: Revue Lorraine Populaire, 1994, n°119

 

Parmi les 9 victimes civiles du 22 août 1914 se trouvent 2 personnes qui n’habitaient pas Mercy-le-Haut : Mme Ruer, 49 ans, et Mme Kuchler, 21 ans.

 

Mme Ruer était accompagnée de sa fille, alors âgée de 13 ans.

 

Mme Ruer, habitant à Herserange (près de Longwy), était venue chercher sa fille qui se trouvait en vacances à Homécourt, près de Briey. Le 22 août 1914, tous les trains étant à l’arrêt, Mme Ruer avait décidé de rentrer à pied à Herserange, avec un groupe d’autres personnes. Le trajet à pied représentait 44 Km.

 

En approchant de Mercy-le-Haut, le bruit de la bataille se faisait de plus en plus distinct : d’abord le bruit des canons, puis bientôt celui des mitrailleuses et des fusils.

 

Arrivant près de Mercy-le-Haut, le groupe pouvait voir au loin dans les champs les soldats français en formation en carré, qui tiraient et ensuite se repliaient. Il est 12h30, la bataille fait rage. Le groupe décida de se mettre à l’abri.

 

Voici le récit que fit la fille de Mme Ruer de la journée du 22 août (cf La Revus Lorraine Populaire, n°119, 1994, témoignage recueilli par son fils, Monsieur Jean Hausmann) :

 

Début de citation

 

Vite, nous nous réfugions dans une maison (la maison L’Huillier, à l’angle de la Quertille et de l’actuelle rue Albert Lebrun) où nous retrouvons d’autres personnes dont un vieillard et un jeune enfant. Dans une pièce où il y avait 2 lits, une armoire, une chaise, nous nous trouvons 9 personnes. Les soldats français entraient par la porte de la chambre pour se replier par le jardin en passant par la fenêtre.
 
Certains de ceux-ci étaient blessés et malgré la fatigue et la peur, nous pansions leurs plaies, et même quelques-uns d’entre nous, dont ma mère, poussaient l’audace, malgré la mitraille, d’aller soigner des soldats blessés qui gisaient dans un lavoir à proximité de la maison où nous étions réfugiés.
 
Il était 19 heures, la bataille semblait avoir ralenti. Je suçais un morceau de chocolat, lorsque de grands coups de crosses de fusil sont donnés contre la porte. Nous nous blottissons tous dans le coin de l’armoire.
 
Le propriétaire (M L’Huillier) alla ouvrir et tomba aussitôt, atteint par un coup de fusil ; c’est alors qu’une horde de « uhlans » déchainés, les yeux remplis de haine, firent irruption et tirèrent sur nous sans plus se soucier des femmes et des enfants.
 
Un jeune homme avait eu le temps de se sauver par la fenêtre et ne dut son salut qu’en se cachant toute la nuit dans le jardin.
 
Ma mère, dans un geste d’élan maternel, se plaça devant moi afin de me protéger, m’entraînant dans sa chute lorsqu’elle fut atteinte par une balle. Ma tête heurta un pot en grès qui se trouvait par terre et durant toute ma vie, j’ai eu à souffrir de ce choc.
 
Quand cette horde sauvage quitta ce lieu, le sang avait giclé partout, seuls étaient en vie le jeune homme qui avait réussi à se sauver et à se cacher, une jeune fille qui avait perdu la raison, une petite fille de 14 mois et moi-même.
 
Je passai une nuit entière au milieu de ces innocentes victimes, ne réalisant pas qu’en quelques secondes, je venais de perdre la personne que j’aimais le plus au monde, « ma mère ».
 
Au matin, les Allemands vinrent contempler leur assassinat et l’un d’eux, pris certainement de remords, alors que j’étais encore blottie contre le corps refroidi de ma mère, me prit dans ses bras et me déposa sur le lit.
 

Fin de citation

 

 

La fille de M Jean-Emile Collignon, Mercy

 

Source: lettre du 20 mars 1939 à l'abbé Peccavy (document privé)

 

Vers 1939, l’abbé Peccavy dont la famille est originaire de Mercy-le-Haut, a recueilli plusieurs témoignages sur la bataille de Mercy-le-Haut. Parmi ces témoignages se trouve une lettre de la fille de Monsieur Jean-Emile Collignon, datée du 20/3/1939.

 

La fille de Monsieur Collignon décrit les circonstances dans lesquelles son père a été tué le 22 août au soir. La maison Collignon se trouvait à l’extrémité de la Quertille, à droite en allant vers Morfontaine.

 

Début de citation

 

Dans la matinée du 22 août, les soldats français entraient au pays, et depuis 3 semaines déjà que nous logions les Allemands, nous croyions à notre délivrance. Hélas ! Ce n’était que le commencement de nos souffrances, car au début de l’après-midi, la fusillade a commencé et les Français ont été obligés de se cacher pour contenir l’attaque.
 
C’est à la Tuilerie dans la maison Rodicq (maison à la sortie de Mercy vers Malavillers, proche de l’actuel monument Albert Lebrun) que se tenait la section de mitrailleuses où les soldats avaient percé le mur d’une pièce donnant sur la plaine de Serrouville pour y placer leurs mitrailleuses. Après cet après-midi de bombardement et de fusillade, les Français se sont repliés et de nouveau les Allemands entraient au pays en vociférant, et c’est à ce moment–là qu’ils ont commencé leur tuerie vers 9 heures et quelques minutes du soir.
 
Monsieur L’Huillier a été probablement tué en ouvrant sa porte comme les soldats le lui demandaient ; car il était tombé près de celle-ci ; et sa dame et les amies qui se trouvaient chez lui s’enfuirent en poussant des cris dans la chambre donnant sur le jardin, aussitôt un feu de salve, et toutes tombaient les unes sur les autres. Aussi c’est un spectacle terrifiant que je vis le lendemain matin.
 
Après c’était notre tour, une balle m’effleura l’oreille en ouvrant notre porte. Bientôt la chambre de mes parents fut remplie de soldats, un chef demanda avez-vous des soldats français cachés, mais nous n’avions pas répondu aussitôt non qu’un coup de fusil partait et que mon père tombait foudroyé au pied de son lit.
 
Voici son état-civil : Jean-Emile Collignon, fils de Grégoire Collignon. J’ignore le nom de ma grand-mère épouse de X (illisible) Léonie Bertrand.
 
Le lendemain 23 août, je me suis rendue chez Monsieur Cachar (orthographe approximative) qui faisait les cercueils je n’ai trouvé personne et une maison au pillage, de même chez Monsieur le Curé : tous étaient enfermés dans l’église et gardés par les soldats afin de permettre aux autres le pillage.
 
Je vous assure que c’était lugubre de traverser le village ce matin-là, des trous d’obus partout, on ne voyait aucun habitant mais des soldats partout.
 
Avec Léon Dehan, je suis allée trouver des officiers allemands pour qu’ils nous laissent enterrer mon pauvre père ; ils nous avaient bien dit oui, mais dans l’après-midi des soldats sont venus le chercher. Leur ayant refusé une fois, il a fallu le laisser partir la deuxième fois et c’est dans un tombereau que les victimes ont été conduites au cimetière. Arrivant là, il n’y avait pas de fosse prête et c’est Nicolas Mandy et le père Bossu que les Allemands avaient réquisitionnés qui l’ont creusée : voilà toute la sépulture qu’ils ont eue.
 

Fin de citation

 

 

M. Aubrion, maire de Mercy-le-Haut en 1981

 

En 1981, à l’occasion d’une réunion des anciens combattants du 154ème régiment d’infanterie, M. Aubrion, maire de Mercy-le-Haut, a prononcé une allocation dans laquelle il rappelle ses souvenirs de 1914-1918 :

 

Début de citation

Mon premier souvenir d'enfance (j'avais alors 6 ans - 1914) c'est, contraint avec ma mère et mes sœurs de quitter une maison en flammes, d'avoir vu, au bord de la route, un de nos soldats blessés rendre le dernier soupir. Un autre souvenir (j'avais alors douze ans (1920) et à cet âge on est curieux et désobéissant), c'est d'avoir assisté un moment, à l'exhumation de ces pauvres corps entassés dans une fosse commune sur la route de Malavillers.

Fin de citation

 

 

 

Madeleine Leyraud, Audun-le-Roman

 

Source: Madeleine Leyraud, "Mes Souvenirs" (Février 1987), document privé.

 

(Remarque : ce témoignage concerne Audun-le-Roman, et non Mercy-le-Haut. Mais il donne des informations intéressantes sur la période de l’après-guerre, qui sont valables pour l’ensemble du canton).

 

En 1914, Madeleine Leyraud était adolescente. Elle avait un oncle, Camille Leyraud, célibataire, qui habitait la maison de la famille Leyraud à Audun-le-Roman, rue Paul Herrgott (près de l’église).

 

Vers fin août 1914, après l'incendie d'Audun, Camille Leyraud rejoint le reste de la famille Leyraud qui, à cette époque, habitait Auxonne. Madeleine Leyraud raconte dans ses souvenirs l’arrivée de son oncle.

 

Début de citation

 
Quelques jours après, arrivait l’oncle Camille dont nous ne savions rien depuis notre départ d’Audun. Il était bouleversé, épuisé, et avait passé 3 semaines affreuses (approximativement du 4 au 20 août) avec des Allemands pleins sa maison, des menaces, des réquisitions, n’ayant qu’une pièce à sa disposition, apprenant la mort de voisins fusillés devant chez eux. Tout cela pour que le 25 août (il s’agit très probablement du 21 août) le général allemand qu’il logeait lui annonce qu’on allait brûler sa maison et qu’il fallait qu’il parte. Sans rien pouvoir emporter, il s’est mis en route et arrivé à Malavillers, a vu l’incendie d’Audun. A ce moment les troupes françaises s’étaient avancées à quelques Km et les Allemands, pris de peur, ne voulaient laisser que des ruines s’ils étaient obligés de reculer. Nous écoutons tous ces récits, pétrifiées …
 

Fin de citation

 

Quelques pages plus loin, Madeleine Leyraud raconte son premier retour à Audun-le-Roman après la guerre, vers 1920 :

 

Début de citation

 
Nous allons à Audun, Audun …. Je n’en ai plus parlé alors que son souvenir nous restait si cher. L’oncle Camille avait eu le courage de s’y réinstaller dans un petit bâtiment que nous appelions « la serre » et qui n’avait pas été démoli. Il avait fait aménager 3 pièces au 1er dans les conditions les plus inconfortables et Virginie, sa fidèle cuisinière, officiait au rez de chaussée. Oncle Camille avait préféré cette organisation à une baraque, ce qui était le lot de presque tous les Audunois : il avait l’illusion d’un « chez soi », mais quel soi !
 

Fin de citation

 

En 1923, Madeleine Leyraud revient à Audun-le-Roman. La reconstruction du village se termine :

 

Début de citation

 

La reconstruction du village dont une dizaine de maisons seulement était restée debout, a duré 4 ans. Les habitants s’étaient groupés en une coopérative de reconstruction et avaient fait le choix d’un architecte de Paris qui connaissait mal les hivers lorrains. Nous étions en Allemagne à ce moment-là (explication : le père de Madeleine était officier et servait dans les troupes d’occupation en Rhénanie) et oncle Camille s’était trouvé seul pour consulter et étudier les plans. Comme il avait une grande maison, on lui a refait une grande maison, trop vaste pour un célibataire ! Evidemment, il y avait beaucoup plus de confort que dans l’ancienne, mais aussi une chaudière vorace qui consommait 20 tonnes d’anthracite ! des surfaces vitrées importantes, de nombreuses portes d’entrée (6), une terrasse au 1er étage qui humectait trop souvent l’avancée de la salle à manger, et des dépendances nombreuses.
 

Fin de citation

 

 

 

 

 



18/11/2013

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